dimanche 25 novembre 2012

Histoires.

L'hiver venait lui gratter le palais. Il était loin mais elle pouvait le sentir. Il avait le goût du bois froid, de la fumée, cette odeur contre les couches de vêtements entassées.
Le matin, elle posait ses pieds chauds sur un plancher toujours froid.
Sa robe de nuit en dentelle blanche glissait sur ses hanches pour terminer sa course en frôlant ses genoux.
L'homme disait qu'il aimait cette vision au petit matin. Il disait "Je suis amoureux de ta robe qui glisse et de tes genoux surpris par les plis."
Il est vrai que ses genoux semblaient sursauter. Ils venaient respirer un air gelé et la dentelle venait couper cette respiration.
Sa peau blanche grelotait.
L'homme disait y voir de fins flocons. " Es tu sûre que c'est de la dentelle? J'ai encore eu très froid cette nuit, je n'ai jamais eu aussi froid que depuis nos nuits ici."
De la confiture de myrtilles, de la confiture de fleuves rouges restés dehors. Elle en posait sur son cou et revenait dans la chambre pour sentir les lèvres de l'homme aspirer la matière violette.
" Je peux voir tes veines, tu en as trop mangé."
Alors elle posait le pot, alors elle se recouchait, alors il lui enlevait sa robe de chambre en flocons.
Des corps plaqués contre des draps blancs, des odeurs de naphtaline de l'ancienne maison, l'ombre d'une vie nouvelle sur ces murs et toujours un pot de confiture sur la table en bois.
Elle collectionnait les savons, l'homme parlait d'un arc-en-ciel parfumé.
Le violet se dispersait dans l'eau de la vieille baignoire.
" Voilà qu'elle se trempe dans la confiture de myrtilles maintenant."
D'abord les orteils, puis le reste, petit à petit pour que la chaleur ne fasse pas sursauter le corps.
Tout était dans les myrtilles, tout sauf les mèches rousses qui se refusaient à plonger et ne rien voir.
Ses ongles grattaient le fond de la baignoire.
" Il n'y a rien sous la confiture Dalia..."
Alors elle remontait. Alors elle sortait pour pleurer.
Il lui embrassait les épaules.
" Ce n'est pas grave voyons."
Alors elle arrêtait.
Puis ses lèvres se décollaient.
" Je vais lui écrire."
Et l'homme ne disait rien, il enlevait ses mains et la laissait partir.
Le bureau blanc sentait le temps et l'encre.
Elle prit la plume, et l'encre violette.
" Je t'ai cherchée partout."
Puis elle enferma ses mots dans une enveloppe qu'elle ne pourrait jamais envoyer.